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La sous-représentation des femmes dans les mathématiques, une injustice millénaire

La chronique mathématique de Cédric Villani

mardi 3 juin 2025, par Cédric Villani

Disons le sans barguigner : le plan de soutien à l’engagement des jeunes femmes en mathématique, annoncé début mai par la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, est une excellente nouvelle. Sans méconnaître tous les autres maux qui frappent, hélas, notre vénérable système éducatif – sous-salaires, sous-formation, sur-administration, sur-tension –, il était urgent que le gouvernement se mît en croisade, enfin, contre une injustice emblématique.
La chronique mathématique de Cédric Villani

in l’humanite.fr

La sous-représentation des femmes en mathématique, c’est une longue histoire patriarcale. La grande Émilie du Châtelet, la grande Sophie Germain, la grande Sofia Kowalevskaya, durent toutes redoubler de ruse et de courage pour déployer leur talent mathématique alors que les universités européennes et les Académies des sciences étaient fermées aux femmes, et que la presse les assignait à la cuisine et au berceau. Au temps de la Révolution française, il fallut bien plus de temps pour se décider à admettre une femme à l’Académie des sciences, que pour trancher la tête du Roi !

Une fois les interdits révoqués, ce sont les stéréotypes, redoutables biais cognitifs, universels et implacables, qui prirent le relais pour confiner les jeunes femmes dans des rôles convenus. Et c’est ainsi que nos meilleures filières de mathématique ou d’informatique comptent à peine 10 à 15 % de femmes. France et Allemagne, nations historiques de mathématique s’il en est, ont été ravagées par ces clichés tenaces – et d’ailleurs les deux seules médailles Fields à ce jour sont issues respectivement des cultures perse et slave…
On trouvera une mine d’informations supplémentaires chez d’excellentes autrices comme Clémence Perronnet (La bosse des maths n’existe pas), Aude Bernheim et Flora Vincent (L’IA, pas sans elles), Isabelle Régner ou Isabelle Collet. Le sujet était bien présent dans mes deux rapports au gouvernement de 2018, sur l’éducation mathématique et sur l’intelligence artificielle – mais la sauce n’a pas pris alors, ni au gouvernement ni dans l’opinion publique. En 2024, le casting de la grand-messe algorithmique de Vivatech en attestait : 11 hommes sur les 12 premières personnes intervenantes.

C’est pourquoi est bienvenu le plan d’Élisabeth Borne, qui a travaillé ce sujet depuis des années et y apporte un nouvel élan : mise en valeur médiatique, formulation d’objectifs chiffrés, voire de quotas – légitimes contre une injustice systémique – et mise en place de projets. Mais ce doit aussi être notre lutte commune, contre la fatalité millénaire qui voudrait que la brillante mathématique, et sa puissante sœur moderne l’algorithmique, restent affaires d’hommes.

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