Kimbe pa Lage On ne lâche rien

Accueil > Actualités > Équateur : la Colombie fait volte-face et ne reconnaît plus la « victoire » du (...)

Équateur : la Colombie fait volte-face et ne reconnaît plus la « victoire » du libéral Daniel Noboa

vendredi 18 avril 2025, par Luis Reygada

S’appuyant notamment sur des irrégularités soulignées par l’Union européenne et l’Organisation des États américains, le président colombien Gustavo Petro préfère finalement temporiser avant de valider le triomphe du candidat de droite.

par Luis Reygada in l’humanite.fr

source : https://www.humanite.fr/monde/amerique-latine/equateur-la-colombie-fait-volte-face-et-ne-reconnait-plus-la-victoire-du-liberal-daniel-noboa

S’il ne s’est pas associé à la dénonciation de « fraude » formulée par Luisa González, la candidate de gauche malheureuse au second tour de l’élection présidentielle tenu ce dimanche en Équateur, le président colombien Gustavo Petro à toutefois opéré un important revirement qui pourrait donner un second souffle aux opposants à la réélection du libéral Daniel Noboa.

Alors qu’au sein même de la gauche équatorienne des divisions apparaissaient au grand jour – certains élus locaux corréistes et alliés politiques ayant rapidement reconnu la victoire du président autoritaire déjà en exercice – la Colombie s’était exprimée dans un premier temps, ce lundi, pour féliciter Daniel Noboa, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères Laura Sarabia.

Tout comme l’ont fait l’Union Européenne, les États-Unis et l’Organisation des États américains, mais aussi les gouvernements de gauche du Brésil, du Chili, de l’Uruguay ou encore d’Espagne. Des positions qui pourraient en partie s’expliquer « par l’extrême prudence – voire parfois la lâcheté – de gouvernements sans doute soucieux de ne pas trop faire de vagues afin d’éviter les foudres du locataire de la Maison blanche », estime le journaliste spécialiste de la région Maurice Lemoine.

Mais le gouvernement colombien a finalement changé de position, mardi soir, le président Petro annonçant sur le réseau social X qu’il « ne pouvait pas reconnaître les élections en Équateur ».
Une victoire « très douteuse »

Rejoignant de fait la présidente du Mexique, une des rares à s’être montré dès ce début de semaine très prudente en déclarant qu’elle attendrait le décompte final des bulletins de vote avant de se prononcer sur les résultats, pour le moins troublants, publiés le Conseil national électoral (CNE). Claudia Sheinbaum a confirmé ce mercredi que son pays ne renouerait pas de relations diplomatiques avec l’Équateur « tant que Noboa sera président, parce qu’il est responsable de l’invasion de l’ambassade mexicaine (à Quito, en avril 2024, NDLR) », ajoutant qu’« en outre, sa victoire a été très douteuse ».

« L’OEA signale des irrégularités ; l’état d’urgence a été déclaré dans sept provinces. L’armée a contrôlé les bureaux de vote pendant le scrutin et le décompte des voix. Il n’y a pas d’élections libres sous l’état de siège », a précisé Petro sur X, tout en partageant sur son compte plusieurs publications critiquant frontalement la régularité du scrutin.

« Je pense que le gouvernement devrait remettre les procès-verbaux de chaque bureau de vote pour vérification ; comme dans le cas vénézuélien, il faut que les choses soient aussi claires que possible », a-t-il insisté en précisant avoir reçu des rapports « inquiétants » d’observateurs électoraux colombiens.

Des critiques formulées aussi par les observateurs de l’OEA et de l’UE

Bien qu’ils aient rejeté les accusations de fraude électorale, les observateurs de l’OEA et de l’UE ont effectivement exprimé leur inquiétude face à la désinformation, aux tensions et à l’« iniquité » qui aurait prévalu durant la campagne, tout comme l’état d’urgence déclaré à la veille du second tour. Mais même en reconnaissant une utilisation politique, en faveur de Noboa, d’institutions électorales telles que le CNE ou encore le Tribunal du contentieux en la matière, leurs observateurs n’ont pas pour autant validé les accusations de fraude formulées à gauche.

« Il est vrai que, même si les résultats officiels présentés par le CNE semblent particulièrement incohérents comparés aux chiffres du premier tour et qu’ils posent légitimement la question de la crédibilité du scrutin, à ce jour personne ne compte sur assez d’éléments probants pour affirmer que Luisa González l’a remporté ce dimanche », soutient Maurice Lemoine.1

« Toutefois, ajoute-t-il, quand on se penche sur l’année et demie de mandat écoulée depuis l’arrivée au pouvoir de Daniel Noboa2, on ne peut que constater que c’est un dirigeant loin d’être regardant vis-à-vis du respect des lois, que ce soit celles de son pays, allant jusqu’à violer sa Constitution, mais aussi du droit international, indique-t-il. De l’invasion de l’ambassade du Mexique, à Quito, en avril 2024, pour y appréhender un opposant politique (l’ancien vice-président corréiste Jorge Glas, 2013-2018) pourtant sous protection diplomatique, à l’éviction de sa vice-présidente Verónica Abad, en novembre dernier, afin de se maintenir au pouvoir le temps de la campagne – durant laquelle son gouvernement a d’ailleurs piétiné nombre de règlements sans jamais faire sourciller le CNE – Noboa semble s’affranchir de toute règle entravant ses desseins. Il ne respecte rien, et partant de là il est difficile de croire qu’il a réellement gagné cette élection », complète le journaliste.
Un deux poids, deux mesures vis-à-vis des élections tenues au Venezuela l’année dernière

Comment comprendre cette volte-face de Gustavo Petro, qui n’a pas hésité à désavouer sa ministre des Affaires étrangères ? « Il semble qu’il se soit rendu compte que la position initiale de son pays de reconnaître immédiatement Noboa était incohérente par rapport à son attitude vis-à-vis du Venezuela », analyse Maurice Lemoine. Et de rappeler la différence de traitement – aussi bien médiatique que politique – subie par Luisa González, en comparaison avec l’écoute attentive dont a joui l’extrême droite vénézuélienne lorsque celle-ci a contesté le résultat des présidentielles de juillet 2024.

« Il ne faudrait pas se fier au gouvernement de Nicolás Maduro, mais par contre tout le monde ou presque semble disposer à croire sur parole un gouvernement autoritaire de droite comme celui de Daniel Noboa, interroge-t-il. Cela plaçait le président colombien dans une situation un peu compliquée, du moins pour le moment, vis-à-vis de la gauche latino-américaine ».

Alors qu’elle ne s’était plus exprimée publiquement depuis sa prise de parole dimanche soir, après la publication des résultats par le CNE, Luisa González a réitéré ce mercredi soir, dans une vidéo postée sur X, sa dénonciation « du grave attentat légal et constitutionnel qu’a souffert (l’Équateur) après une campagne truffée d’irrégularités ». Après avoir listé une longue série d’anomalies et de dysfonctionnements qui auraient entaché le scrutin, la candidate de la Révolution citoyenne a annoncé sa volonté de contester les résultats électoraux devant les autorités compétentes, « lesquelles sont aujourd’hui malheureusement sous le contrôle du pouvoir exécutif ».

Auteur de l’analyse ” Dans les entrailles de l’USAID“, publiée le 4 avril sur le site Mémoire des luttes. ↩︎
Daniel Noboa est en fonction depuis novembre 2023 dans le cadre de la fin anticipée du mandat entamé en 2021 par l’ex-président Guillermo Lasso, interrompu par une dissolution. ↩︎

source : https://www.humanite.fr/monde/amerique-latine/equateur-la-colombie-fait-volte-face-et-ne-reconnait-plus-la-victoire-du-liberal-daniel-noboa